22 Oct. Ca y est, on a embarqué sur le Antonina Nejdanova, direction le Japon, il est 22 h, et du pont, on regarde Vladivostok de nuit s'éloigner doucement. Moment un peu magique, c'est le continent tout entier qui disparaît. On est tous excités par cette traversée, dans un décor digne de la Croisière s'amuse, avec piscine, petits et grands salons, escaliers en velours rouge et le Japon à la clef. De la trentaines d'autres passagers qui sont sur le bateau, nous sommes les seuls étrangers, et la plupart sont des hommes aux cheveux gominés et aux chaussures vernies qui ne sont pas là pour la promenade mais pour le bizness : ramener des voitures japonaises d'occasions.


Après 2 jours de bateau et un coup de tampon sur nos passeport, ça y est, on a un visa de 3 mois sur le sol japonais. Libres comme l'air. Sauf que le side ne sera déchargé que quand les formalités de douane seront en règle. Et comme prévu, ça a pas l'air si facile. La jeune fille en uniforme rose, Yukiko qui travaille pour la compagnie de frêt, nous rassure. Elle nous propose d'importer la moto au nom de la compagnie, pour que les démarches soient plus rapides. Ils ont déjà fait ça pour un couple d'anglais la semaine dernière, ça devrait prendre 2 jours. Mais c'était sans compter que notre moto est russe, avec des papiers russes. Et que le Japon et la Russie ne sont pas très copains, donc n'ont pas d'accords internationaux sur la circulation des véhicules. Le side est finalement déchargé et stocké dans un entrepôt. Et nous passons notre première semaine sur le sol japonais entre le port, le bureau de la compagnie de frêt où on essaye de suivre leurs démarches et de comprendre où se situent les difficultés, et la plage, où le soir venu on monte la tente. Car tant que le side est bloqué ici, nous le sommes aussi, et vu le niveau des prix, ... ce n'est même pas la peine de penser à un quelconque hôtel !


Cependant, plus la semaine avance, plus nous avons l'impression de pédaler dans la semoule : malgré nos demandes réitérées, ils nous disent que non, une immatriculation provisoire cela n'existe pas au Japon, il faut faire passer la moto à leur équivalent des Mines, faire des modifications, etc ... Ils nous promettent un "expert" Honda, qui cependant quand il arrive finalement ne nous en apprend pas beaucoup plus :

 
- Beaucoup de modifications nécessaires, beaucoup d'argent ", nous dit-il, par l'intermédiaire d'un 3ème larron, traducteur
- Quelles modifications ?
- Beaucoup
- C'est à dire ?
- Ah…, un frein à main…
- Mais on a déjà un frein à main !
- Réorienter les phares... Beaucoup de temps, beaucoup d'argent !
 

On commence à s'apercevoir qu'il ne sont pas vraiment compétents pour ce genre de problème et qu'ils sont en train de nous faire perdre plus de temps qu'en gagner. Il vaut mieux entamer des démarches par nous mêmes. Mais la seule cabine d'appels longue distance est en panne, tout les annuaires sont en japonais, les renseignement foireux, l'importateur Ural au Japon refuse de nous aider, l'ambassade de France ne répond pas, et il n'y a aucun accès à internet dans ce petit port. On demande à la compagnie de frêt combien ça pourrait nous coûter, au pire des cas, de renvoyer le side directement en Amérique du nord, si on n'arrivait pas à débloquer la situation, … mais ils nous annoncent un prix tellement exorbitant qu'on n'arrive pas à y croire : avec le prix des billets d'avion les moins chers qu'on pourrait trouver, ça voudrait dire la banqueroute ! On est vendredi soir, il faudra attendre le début de la semaine avant de pouvoir entreprendre quoi que ce soit... On a le moral dans les chaussettes, on se sent piégés, dans un cul de sac : on n'a pas assez d'argent pour expédier la moto dans ces conditions, on ne peut ni rouler avec, ni la vendre, on ne peut plus retourner en Russie, et au Japon, sans le side-car, on peut rien faire ! On ne veut plus dormir sur cette plage en pleine ville, juste en dessous de la route et de la voie ferrée. On part donc en direction de la colline boisée qui borde la ville, chargés comme des mulets, à la recherche d'un endroit où planter notre tente.


On avance un peu au hasard, en faisant des pauses pour reposer nos épaules des sacs trop lourds. Au bout de 40 minutes, on arrive au pied d'un grand escalier en pierre qui monte dans une forêt de bambou. Juste à coté, il y a une jolie fontaine en forme de dragon en bronze, où les gens viennent remplir leurs bouteilles d'eau de source, et laissent parfois quelques pièces en offrande. Arrivés en haut, on n'en croit pas nos yeux, on est en plein milieu d'un espèce de sanctuaire, avec plusieurs petits temples, des arbres centenaires. Tout est désert, mis à part un japonais qui prend des photos, et un vieux gardien qui balaie silencieusement. La beauté et la sérénité du lieu nous saisissent. On en oublie nos soucis. On est quand même au Japon !! Mais en voulant faire une photo, Blam ! … notre appareil photo-réflex tombe sur le sol en pierre, le boîtier est fendu et nous ramène à notre triste réalité. La pluie commence à tomber. En guise de forêt, nous trouvons une quasi-jungle, humide, hyper dense, avec des lianes et des grosses araignées partout. On finit par tomber sur une carcasse de bâtiment en béton armé inachevé, qui surplombe la ville. Alors qu'on installe la tente, il se met à pleuvoir à grosses gouttes… Bienvenus au Japon !


C'est là qu'on installe notre " camp de base ", où nous resterons 2 semaines. Au matin, on plie la tente et cache nos sacs dans la foret, on descend au port, se laver dans les toilettes handicapées (les plus spacieuses), et on commence nos séries de coups de téléphone, où inlassablement il nous faut répéter notre situation, on nous passe une personne, puis une autre… pour qu'au bout d'un quart d'heure, cette dernière nous dise : " oh ! mais vous voulez dire une motocyclette, avec un moteur? ! ! ! " La pluie n'arrange rien à notre situation, nous rentrons trempés chaque soir. Et notre moral suit presque le rythme de notre réchaud, encrassé par trop de mauvaise essence russe: quand il carbure, tout va bien, … mais à chaque fois qu'il se rebouche, c'est la déprime : nous n'aurons même pas le réconfort d'une bonne soupe chaude! Et puis c'est bon, on peut oublier l'attaché aux douanes de l'ambassade de France, parti en vacances pour 2 semaines, oublier aussi l'importateur Ural, qui a finalement consenti à nous aider :il faudrait monter un dossier par rapport au frein à main, puis les Mines peuvent durer de 3 semaines à 3 mois, pour un coût d'au moins 15000 FF. On finit par jeter l'éponge, se fait faxer par l'ambassade les n° de téléphones de plusieurs compagnies de frêt, et quelques jours plus tard un camion vient chercher le sidecar pour l'emmener à Kobé, d'où il prendra un bateau pour Vancouver. Quant à nous, on ne veux pas rester une minute de plus dans cette petite ville qui commence à nous sortir franchement par les yeux. Alors après une dernière petite douche dans les WC publics, on embarque dans un bus de nuit direction Tokyo, d'où notre avion décolle dans 2 jours : Ce sera toujours l'occasion de voir la capitale nippone, et puis nous trouverons surement le moyen de dormir dans l'aéroport...


Sur le pont du Antonina Nejdanova
Notre campement a Fushiki
Un temple en haut de la colline
La moto part en camion pour Kobé
On attend le bus de nuit pour Tokyo
Dans le métro de Tokyo
Siberie 2 Canada