On reprend la route un matin d'octobre. Des neiges tardives
nous rattrapent à Queenstown en route vers Glenorchy,
on continue donc derechef vers le sud. La route s'enfile le
long de gorges humides, qui s'élargissent pour devenir
pâturages. Mais à Te Anau, après trois
jours de pluie ininterrompue on finit par renoncer aux célèbrissimes
fjords du Milford Sound : trop d'humidité et de brouillard
pour nous en moto par ici !
On oblique donc droit au sud, entre villages agricoles et
champs de moutons touffus laineux, alors que le vent fait
forcer les épaules pour maintenir le cap du sidecar.
Sans s'arrêter à Invercargill, on file jusqu'à
Bluff, dernière étape avant l'océan.
Ce coup ci, on ne peut plus aller plus loin. Le sud du sud.
Peu de touristes viennent jusqu'ici, et l'endroit paraît
un peu hors temps, décalé, avec ses grosses
cheminées d'usines d'aluminium qui détonnent
face à l'océan, la vie tranquille d'un village
de pêcheurs, et les magasins défraîchis
alignés le long de la rue principale.
Un panneau annonce "Londres, 18 958 km " : A partir
de maintenant, on repart dans l'autre sens ! Chaque kilomètre
nous rapprochera de la France… Et tandis qu'on se balade
à travers fougères géantes, kauris et
palmiers, on cherche des yeux d'éventuels cétacés
dans le détroit de Foveaux qui sépare l'île
du sud de l'île Steward, tels les chasseurs à
la baleine du siècle dernier...
On repart vers l'est en suivant la côte à travers
les Catlins, entre chutes d'eau, arbustes noircis couchés
par le vent, phares plantés sur des côtes ventées
et colonies de phoques ou de pingouins. Omniprésents,
le bleu de l'Océan et le vert des collines ondulantes,
avec juste un peu de blanc : les moutons… Le long des
routes tortillardes entre criques sauvages et plages de parcs
nationaux, on n'arrête pas de recroiser nos voisins
de la veille, Katherine et Henno, allemands qui depuis 10
ans vivent de leurs diaporamas géants sur l'Australie...
La Nouvelle-Zélande est un petit pays, mais très
orienté tourisme. Du coup on a parfois l'impression
de suivre un parcours fléché, d'une attraction
à l'autre... Et quant à nous, n’ayant
plus vraiment d’objectif, on tournicote sans trop savoir
ou aller...
On fait donc le point. Des paysages, soit, mais ce qui nous
intéresse surtout ce sont les rencontres ! On arrête
donc là cette semi-errance à " voir "
le pays, et coupe au plus court vers Dunedin en coursant un
orage. Là, on établit enfin le contact avec
reno et claire, amis d'amis et grands voyageurs avec qui on
joue à chat depuis quelques mois via internet. Ils
sont à Wanaka, nous sommes à Dunedin. On fixe
donc un rendez-vous arbitraire au milieu… Et ce qui
avait commencé comme un simple barbecue se finit finalement
4 jours plus tard, toujours autour du même feu, ravis
mais épuisés tous les 4 après avoir tant
rigolé, raconté, sympathisé et partagé…
On continue de remonter l'île du sud et quitte l'Otago
en passant un col improbable, une piste en terre étroite
qui s'enfile le long d'une gorge puis passe entre deux sommets
ronds pelés, sous le grésillement d'un gigantesque
poteau électrique. Le side redescend au milieu des
pâturages et des vaches, et toujours pas une maison
ni un panneau indicateur… Quelques patelins, une pompe
à essence éculée et un "Fish and
chips" fermé plus tard, on arrive à Oamaru,
une jolie petite ville tranquille au bord de l'océan.
C'est au n°2 de la rue Hull que vivent Jo et Bry Hull,
2 motards sexagénaires propriétaires d'un sidecar
Dniepr qu'on avait rencontrés à un rallye moto
il y a quelques mois. Autour du poêle à bois,
Bry nous raconte sa vie de marin-pêcheur au large de
l'île du sud, parle mécanique ou philosophie,
ou évoque son arrière-grand-père, baleinier,
qui s'était marié avec la fille d'un chef maori…
Et le lendemain, bottes en caoutchouc et cirés, ils
nous emmènent ramasser des moules dans les rochers
à marée basse. …Mais quelles moules !
Enormes, les plus grosses sont facilement longues comme une
main !!
En repartant le long de la côte vers Christchurch,
il se remet à pleuvoir. Encore ! On ne rêve maintenant
plus que d'une chose, de la chaleur, du soleil ! Ras le bol
de lutter jour après jour, contre le froid, contre
la pluie, contre la moto …
On met donc le cap direct sur Nelson, au nord-est de l'île
et qui jouit paraît-il d'un climat "quasi-méditerranéen".
Pile-poil ce qu'il nous faut ! On coupe droit par l'intérieur
du pays… Et rejoint un véritable déluge
qui dégringole et nous trempe jusqu'aux os malgré
les combinaisons étanches. …Braaaaaahh ! !
Mais le soir, Nelson est en vue. Et là bas, le ciel
est bleu !
Juste à côté, c'est Motueka. Alors qu'on
pensait y rester 2 ou 3 jours, on y passe 3 semaines au soleil
à regarder la mer et les oiseaux, adossés contre
un tronc d'arbre flotté. A lancer des ricochets avec
Richard, qui vit là toute l'année dans son camion
vert et travaille dans les vergers des environs. A adapter
des suspensions japonaises avec super-Roger, une autre rencontre
du rallye-moto, ou ses potes "motards-sur-le-tard"
Frank et Graham, ou encore Neville, récent acquéreur
d'un joli side Ural bleu électrique…
Le 2 décembre, rejoints par Reno et Claire dont on
apprécie tellement le mini-van, véritable camion
d'assistance et baraque-à-frites, on embarque sur le
ferry : Bye-bye l'île du sud ! Deux jours à Wellington,
une escale par une "vraie" boulangerie française
(Mmm ces croissants au beurre !) et un périple de 4
jours en canoë annulé (car trop de pluie) plus
tard, … on se décide : maintenant, objectif Australie
! Un coup de téléphone à un contact de
Motueka, et on file sur Clevedon dans la banlieue d'Auckland,
où on va travailler un mois ou deux dans des serres
de fleurs histoire de payer les billets d'avion.
Décembre puis janvier passent, entre fleurs, bulbes,
tracteurs et colis de Noël. La patronne est un peu psychopathe,
on est payés au lance-pierres et laurent se casse le
dos à trimballer des caisses ou creuser des trous…
mais notre nouvel objectif, retour en France pour Noël
prochain, nous motive à fond ! On organise notre plan
de bataille : gagner ici ce qu'il faut pour aller jusqu'à
Perth où reno et claire nous ont filé un bon
plan pour ramasser des pommes ; Là bas, 3 mois de boulot
plein-gaz pour faire le budget-retour… Puis, Hop, mi-août
en Inde, ..et en France avant l'hiver !
Sauf que fin janvier l'autorisation d'importer le side en
Australie" n'est toujours pas arrivée. Arggh …!
! Tout notre programme chamboulé ! On va arriver trop
tard pour les pommes !
Fin février, avec un mois de retard, le side part enfin
pour l'Australie dans son container. Quant à nous,
après une dernière semaine chargée, entre
boulot, barbecues d'adieu et une superbe journée à
aller encourager le "Team New Zealand" de la Coupe
de l'América dans la baie d'Auckland, on quitte la
Nouvelle-Zélande le 20 février, direction Melbourne.
|
|